[ Kirsten - Ponette - 7 ans ]

C’est avec un peu d’angoisse que je sortis Kirsten de son box, entièrement équipée pour monter dans un van. La ponette n’avait pris que très rarement le transport en camion, et je redoutai un peu ses peurs.
Calmement, je l’accompagnai jusqu’au camion, dont la rampe était ouverte. Je suivrai tranquillement mais fermement les conseils que l’on m’avait donnée. Ainsi, je me plaçai à côté d’elle et avançait jusqu’à la rampe. Kirsten avança de quelques pas puis s’arrêta net, l’encolure tendue. Je m’arrêtai aussi le temps qu’elle s’habitue et observe, mais pas trop longtemps non plus, et je repartis avec détermination. Finalement, la ponette décida de me suivre, et je l’attachai donc, ravie, dans le camion. Je la félicitai et vérifiai qu’elle avait de l’eau et qu’elle ne pouvait pas se blesser pendant le trajet.
Car aujourd’hui était un jour important. Nous nous rendions dans un hôpital proche afin d’initier pendant quelques heures les enfants malades qui pouvaient physiquement y assister. J’avais réalisé de nombreuses démarches pour convaincre les dirigeants de l’hôpital, qui finalement avaient accepté et m’avaient fait confiance. Et alors que je conduisais le camion jusqu’au parc de l’hôpital, moi aussi je stressai à l’idée de devoir faire face à ces enfants. Je ne doutai pas des compétences de Kirsten. Elle était douce avec les enfants, et j’étais maintenant apte à contrôler ses sautes de « folie ».
Concentrée sur ma conduite, je me détendis quand j’arrivai à l’hôpital, où je me garai prêt du parc. La carriole, que j’avais préalablement amenée le matin-même, s’y trouvait toujours (et heureusement ! Elle appartenait à NS !)
Là, je descendis la ponette et l’accrochai au camion alors que l’infirmière générale me rejoignait sur la pelouse. Elle me dit, sur un ton froid et sévère qui me rebutta, que 6 enfants allaient bientôt me rejoindre, accompagnés d’internes. Elle me rassura en me disant que tous ces enfants avaient d’eux-mêmes tenus à participer à l’activité et qu’ils savaient se débrouille seuls.
En attendant, je m’occupai de Kirsten en lui faisans de jolis pions sur l’encolure. Elle se mit, comme à son habitude, à s’endormir sous le coup de mon soin pour elle, et elle me fit de nouveau craquer. Cependant, un bruit et des pas approchants la réveillèrent instantanément et elle releva alors vivement la tête en direction des enfants. Ceux- ci étaient 6, quatre filles et deux garçons qui avaient entre six et dix ans. Certains avaient le sourire, mais d’autres paraissaient anxieux. C’était à moi de jouer pour leur donner confiance.
- Bonjour tout le monde ! dis-je avec un grand sourire.
Ils répondirent timidement, alors que les deux internes me saluaient à leur tour.
Je me présentai et leur demandait de s’asseoir, pour qu’ils se présentent à leur tour. Les internes les connaissant mieux, ils purent les pousser à prendre confiance et à se présenter à leur tour. Bientôt je leur présentai Kirsten. Celle-ci les regardait d’un air craquant, les oreilles pointées vers eux. Et là, la magie opéra puisque de tout d’un coup, même les plus timides se mirent à sourire en voyant Kirsten brouter l’herbe. Les questions fusèrent : quel âge avait-elle, que mangeait-elle, est-ce qu’ils pouvaient la toucher. A cette dernière question, je répondais à l’affirmative, et déjà un garçon se levait pour la toucher, suivi de près par les cinq autres enfants. Alors qu’ils caressaient crinière et poils de Kirsten, je les observai. Ils n’avaient l’air si malade à vue d’œil, bien que les internes veillent sur eux de façon attentive.
Je donnai aux enfants les instruments de pansage et leur expliquaient comment cela fonctionnait. Bientôt, Kirsten était chouchoutée comme jamais elle ne l’avait été, et je la sentais ravie et calme. Pourtant, le calme n’était pas le fort de la jument, mais la présence des enfants la radoucissait.
- Et maintenant, tous à la carriole ! Allez ! leur dis-je.
Ils s’approchèrent tous de la carriole alors que l’attelai Kirsten. Les enfants étaient tous excités et voulaient monter chacun en premier, et je dus remettre le calme fermement et calmement.
La première enfant fut Clothilde, sept ans. Je ne savais absolument pas ce qui l’avait amenée à l’hôpital, mais je la sentais heureuse quand elle prit place à côté de moi.
« En avant ! » dis-je à Kirsten, et elle partit au pas. Je l’échauffai sur la piste piétonnière faite de sable et de cailloux, et la gardai bien aux ordres : la ponette ne devait pas faire la fofolle au risque d’effrayer les enfants. Ainsi, je dus à certains moments faire des « Oh oh » pour la calmer et l’encadrer avec mes guides. Nous fîmes demi-tour, Clothilde toujours souriante.
« Tu veux faire du trot ? »
La fillette hésita, puis fit oui de la tête, et toujours sans utiliser mon fouet, je demandai par la voix le trot à Kirsten, qui partit aussitôt.
« Ca secoue n’est-ce pas ? »
Mais je dus bientôt stopper l’attelage, car le parc était un peu petit.
J’accueilli ensuite Julien, Claire etc…. et tout se passa pour le mieux. Seulement une fois Kirsten partit au galop sans que je lui demande, mais je pus la refreiner en tendant les guides. Et seul un enfant dut quitter l’atelier équestre car il se sentait faible. Ceci m’avait inquiétée au début, avant qu’un des deux internes, Etienne, ne l’emmène dans sa chambre.
L’après-midi touchait à sa fin, et les enfants avaient du mal à quitter la ponette.
Je leur promis qu’ils pourraient revenir, ce qui les fit admettre qu’ils devaient retrouver leur chambre. Etienne et Aurélia, les deux internes avec qui j’avais finalement sympathisée, caressèrent eux aussi Kirsten, bien qu’ils ne connaissent rien aux chevaux.
C’est en leur faisant la bise que je les quittai, après un dernier signe de la main en direction des enfants qui rejoignaient l’entrée de l’hôpital.
Mon enthousiasme retomba bien vite quand je m’aperçus que je devais ramener la carriole, et arracher de nouveau Kirsten à son broutage. Que la pelouse du parc soit malmenée par les dents de ma ponette, ça, ça ne plairait sûrement pas à l’infirmière générale, mais tant pis !
Après l’angoisse, le soulagement. Cet après-midi c’était finalement bien passé. J’avais eu peur de mes réactions concernant les enfants. Je m’étais imaginée des enfants avec des tubes respiratoires et tout et tout. Mais il n’en était rien. Finalement, je ne préférai pas non plus savoir quelles raisons les avaient amenés à la clinique. Je préférai les voir comme des enfants normaux. Avec cette nouvelle expérience, peut-être bientôt renouvelée, je me sentais fière de faire une bonne action. Eh bien oui, je suis bien prétentieuse !